
Le petit commerce transfrontalier : À quand la libéralisation des échanges ?
Dans le cadre de la campagne Fungua Njia, le jeudi 6 août 2020, il s’est tenu, à Bujumbura, un atelier de réflexion organisé par le CDE Great Lakes,
en collaboration avec le Comité national de suivi des mécanismes d’élimination des barrières non-tarifaires. Le but était d’épingler les raisons qui font que le petit commerce transfrontalier soit paralysé au Burundi.
Les participants à l’atelier ont appris qu’en 2018, les estimations de l’Isteebu (Institut de statistiques et d’études économiques du Burundi) et de la BRB (Banque de la république du Burundi) montrent que les échanges transfrontaliers s’évaluaient à 92 815,9 millions de FBu. Les exportations et les importations représentaient respectivement 27 577,3 millions et 65 238,6 millions FBu. Compte tenu des moyens de transport utilisés, le commerce transfrontalier est particulièrement fait par des commerçants à faibles capitaux, ce qui constitue un défi pour ces commerçants dans leurs efforts de lutter contre la pauvreté. Toujours en 2018, les chiffres de l’Isteebu et de la BRB montrent que 48 % des marchandises étaient importées par la tête et les mains, 33,1 % à motos et vélos, 11,3 % par véhicules et enfin 7,6 % par bateaux. Quant aux exportations, les motos et les vélos intervenaient à 51,4 %, les véhicules à 35,5 %, la tête et les mains à 8,2 % alors que les bateaux représentaient 4,9 %.
La femme est majoritaire
Gaston Sindayigaya est membre de l’équipe du Centre pour le développement des entreprises dans la région des Grands lacs (CDE Great Lakes). Il a effectué une descente sur les postes-frontières de Gatumba, Buganda, et Rugombo. Dans sa présentation lors de l’atelier, il relève beaucoup de barrières non-tarifaires auxquels les femmes font face en exerçant le petit commerce transfrontalier.
Il informe que le commerce transfrontalier permet de satisfaire certains besoins tels que l’alimentation, le logement, l’habillement, la scolarisation des enfants et bien d’autres. Il améliore ainsi les conditions de vie, crée des emplois et fait intervenir surtout les femmes. « Dans la région frontalière du Rwanda, du Burundi et de la République démocratique du Congo, le petit commerce alimentaire constitue une source vitale de revenus et est pratiqué à 80 % par les femmes », précise Pr. Léonidas Ndayizeye. Il est économiste enseignant à l’Université du Burundi en même temps membre consultatif du CDE Great Lakes.
Beaucoup de barrières physiques
En plus des conflits régionaux qui ont certainement un impact négatif sur les échanges, l’existence des barrières non-tarifaires constitue toujours une entrave dans la libéralisation des échanges. Au niveau des frontières, la présence d’un grand nombre d’agents représentant différents services et organismes publics aggrave aussi la situation. Par exemple, « il existe plus de cinq barrières physiques à Gatumba à partir du pont de la Rusizi jusqu’à la frontière avec la RDC érigées par les agents de la police et du Service national des renseignements avec l’appui de jeunes gens », fait savoir Gaston Sindayigaya.
D’autres défis ont été signalés. Entre autres le coût trop élevé des documents de voyage, la corruption, la lenteur des services de douane, le manque d’harmonisation des heures de travail entre les pays frontaliers ainsi que la saisie des marchandises sans procès de saisie. L’Association des commerçants transfrontaliers (ACT) confirme ces difficultés. « Nous intervenons à plusieurs reprises quand un commerçant est en conflit avec les agents frontaliers », confie Polycarpe Kubwayo, secrétaire exécutif et porte-parole de l’ACT au Burundi. Il y a aussi des défis particuliers aux femmes. En effet : « Beaucoup de commerçantes se disent victimes d’actes de violence, de menaces […]. Elles peuvent être battues, insultées, dévêtues, harcelées sexuellement et même violées », s’indigne Pr. Léonidas Ndayizeye.
Rendre formels les échanges
Afin de réduire les barrières non-tarifaires qui entravent le commerce transfrontalier, le CDE Great Lakes, via sa campagne « Fungua Njia » (ouvrez les frontières !), a donc animé un atelier d’échanges à l’intention des différents intervenants tant publics que privés dans ce secteur. Dans sa communication, Dr. Franck Arnaud Ndorukwigira, le directeur de cette campagne, souligne la nécessite de rendre formels les échanges transfrontaliers.
Dans sa communication, Pr. Léonidas Ndayizeye fait savoir quant à lui que les pouvoirs publics sont appelés à reconnaître que le commerce transfrontalier est l’un des piliers du développement et à prendre des mesures facilitant ou promouvant ledit commerce. « Même s’il est majoritairement informel dans le sens où ceux qui le pratiquent ne sont pas enregistrés et ne paient donc pas d’impôt, cela ne signifie pas que ce commerce est inutile ou illégal », fait remarquer cet universitaire.
Face à ces problèmes qui handicapent le petit commerce transfrontalier, différentes solutions ont aussi été proposées dont une réduction notable du nombre d’agences présentes aux frontières et une hausse du nombre de femmes au sein de l’administration. À titre de rappel, dans le rapport Doing Business 2020 de la Banque mondiale, le Burundi occupe la 166e position parmi les économies de 190 pays. Pour ce faire, l’économie burundaise nécessite d’être relancée.
Gilbert Nkurunziza et Arthur Bizimana